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L’épopée des gueules noires

Juin & Juillet 1998

Puits du Marais

Le Chambon-Feugerolles

Dans le Forez féodal, au pied du Pilat, le petit peuple des vallées forge les armes du Comte et de ses chevaliers en guerre contre les écorcheurs et les tard-venus de la guerre de Cent ans. Pour seules richesses, ces artisans ont leur savoir-faire et l’eau pure de la montagne qui donne toute sa dureté aux tranchants de l’épée. Mais c’est la plaine qui prospère, c’est Montbrison qui en 1536 accueille avec faste François 1er venu réunir le Forez à la Couronne de France. Saint-Etienne, modeste bourgade de forgerons, est chargée de la fabrication des arquebuses de l’armée du Roi. Arquebuses et pertuisanes, puis mousquets, pistolets et fusils ; le sud du Forez devient l’arsenal des Rois, de la révolution et de l’Empereur. Un arsenal convoité par l’ennemi ; dès 1814, les Ulhans autrichiens avancent en Forez, malgré le courage des Marie-Louises, l’Empire s’effondre. Les rêves de puissance de Napoléon s’estompent, la Révolution industrielle s’empare des vallées du Furan, du Gier et de l’Ondaine. A la recherche d’un avenir meilleur, le paysan se fait ouvrier dans une ville qui ne cesse de grandir, se hérisse de cheminées et de chevalements. Les usines, les hauts fourneaux dévorent le charbon par tombereaux entiers, les fours rougeoient nuit et jour. Il faut arracher toujours plus de charbon à la fournaise des galeries toujours plus profondes. Au fond, le coup de grisou ou de poussier tue en un instant le paysan devenu mineur ou le laisse infirme et inutile, voué à la misère. Drame après drame, une tradition de solidarité et de fraternité prend corps dans les cités ou sur les carreaux. Tradition d’accueil et de convivialité, mais aussi rudesse quand il s’agit d’affirmer ses droits face au gouverneur ou aux fusils des gendarmes. Mais l’amour de la vie l’emporte toujours en Forez, le dimanche à la guinguette de l’Etang Momey ou pour la Sainte Barbe, la fête a une saveur incomparable. La fête a une saveur incomparable, quand la paix revient après la Der des Der ou quand la région se libère de quatre années de cauchemar. Aujourd’hui le noir n’est plus la couleur de Saint-Etienne et des vallées, l’estampe est devenue peinture colorée, où le vert domine et dominera pour longtemps.